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LA POLITIQUE DU MARCHE INTERIEUR

L'article 157 du traité sur la Communauté Européenne (TCE) prévoit qu'un des rôles de l'Union Européenne et des Etats membres en matière économique consiste à assurer la compétitivité de l'industrie européenne. Plus récemment, l'UE s'est fixée dans le cadre de la stratégie de Lisbonne (2000) le but de devenir d'ici 2010 la zone économique la plus compétitive et la plus dynamique au monde. Outre l'achèvement du marché unique qui permet de dégager de considérables économies d'échelle, le soutien à la recherche et au développement des entreprises est au cœur des préoccupations. Depuis la publication du Livre vert de la Commission Européenne en 1995, il est largement admis que la politique de l'innovation n'est pas une politique en soi, mais doit influencer l'ensemble des politiques communautaires. Plus récemment, la publication du rapport "InnovationTomorrow" le 8 avril 2003 recommandait une politique d'innovation " de troisième génération ". Pour Erkki Liikkanen, commissaire européen responsable des entreprises et de la Société de l'information, " l'innovation dans une économie de la connaissance se caractérise par sa diversité. (…) Elle dépend de plus en plus de facteurs tels que l'innovation dans le domaine de l'organisation ou de la présentation, dans lesquels l'accent n'eshnologiques des nouveaux produits ou nouveaux services mais sur la valeur ajoutée incorporelle, l'amélioration de la position sur le marché ou l'accroissement de la productivité. "


Le 30 avril 2003, la Commission a concrétisé sa stratégie pour améliorer les conditions de la recherche et du développement dans une feuille de route intitulée "Investir dans la recherche : un plan d'action pour l'Europe". Son but principal est de porter les dépenses en matière de recherche et développement à 3% du PIB européen en 2010, alors qu'elles sont actuellement de l'ordre de 1,9%.
Une action clé dans cette stratégie et dans la politique générale d'harmonisation du marché intérieur a été la décision d'instaurer un brevet communautaire qui a fait l'objet d'un accord politique lors du sommet d'Athènes fin mars 2003.
Nous avons choisi d'analyser sous l'angle de l'industrie pharmaceutique le processus de décision qui a abouti à l'adoption du projet de brevet communautaire. Un dossier d'autant plus intéressant que la Commission a décidé de réformer la législation phart pas nécessairement mis sur les aspects tecmaceutique dans son ensemble. (lien, lien vers pharmacos.eudra.org)???


IMPACT DU BREVET COMMUNAUTAIRE SUR L INDUSTRIE ET LA REFORME DE LA LEGISLATION PHARMACEUTIQUE

L'enjeu du brevet communautaire est double pour l'industrie pharmaceutique : d'un côté, il s'agissait de veiller sur la refonte du brevet européen " général " qui est applicable à tous les secteurs. Ce chapitre est clôturé avec la décision lors du sommet d'Athènes en la matière le 21 mars 2003. D'un autre côté, la Commission a émis en 2001 une proposition pour renouveler la législation dans le secteur pharmaceutique visant à changer profondément la procédure d'autorisation de mise sur le marché des médicaments. En octobre 2002, le Parlement Européen a amendé la proposition initiale. En ce moment, on est dans l'attente de la nouvelle proposition de la Commission tenant compte des amendements faits par le Parlement.


I. Le brevet communautaire


Depuis une trentaine d'années, la législation européenne sur les brevets était restée inchangée (ou inexistante). Jusqu'au sommet d'Athènes le 21 mars 2003, il n'existait pas de brevet communautaire à proprement parler. L'Office Européen des Brevets de Munich octroyait ou non un " brevet européen " valable dans tout le continent européen. Mais selon la législation ancienne, la validité du brevet pouvait être mise en cause non seulement au niveau de l'Office Européen des Brevets de Munich (OEB), mais également par n'importe quel tribunal national. Concrètement, un brevet accordé par l'OEB pouvait être accepté par un juge français mais déclaré non valable par un juge britannique. En fin de compte, il fallait déposer un brevet dans chaque Etat membre pour éviter le risque de contradiction des décisions de justice.


Les coûts engendrés et les hétérogénéités causées par cette procédure constituaient un grave désavantage pour les entreprises européennes par rapport à leurs concurrents étrangers (notamment américains).

Cet enjeu est de taille également pour l'industrie pharmaceutique européenne. Un rapport sur la compétitivité du secteur pharmaceutique commandé par la DG Entreprises de la Commission Européenne en 2000 concluait que les entreprises européennes perdent de plus en plus de terrain face à leurs concurrents américains. Ce rapport imputait cette déficience en grande partie au manque de cohérence entre les systèmes étatiques de santé (plus ou moins réglementés suivant les Etats membres), mais également à une moindre efficacité des processus d'innovation. En résumé : les entreprises américaines se trouvaient sur un marché plus favorable et étaient plus innovatrices ou efficaces en matière d'innovation.
D'où l'intérêt pour l'industrie pharmaceutique de voir arriver un brevet communautaire qui protège à moindre coût leurs brevets. Les représentants de l'industrie pharmaceutique au niveau européen, l'EFPIA (European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations regroupant les entreprises qui font de la recherche) et l'EGA (European Generics Association) regroupant les entreprises produisant des génériques), ont été consultés par la Commission lors de l'élaboration de la proposition de brevet communautaire (lien vers entretien Brunet). La Commission a rendu les propositions accessibles sur le Web pour recueillir les commentaires, notamment, en ce qui concerne le secteur pharmaceutique, du comité permanent des médecins de l'Union Européenne, des pharmaciens, d'organisations de patients, d'organisations de recherche clinique.
Pendant le processus de négociation qui a suivi, l'EFPIA a agit en concertation étroite avec l'UNICE (Union of Industrial and Employers' Confederations of Europe) qui a représenté toutes les industries concernées par le dossier des brevets et a agi principalement auprès de la Commission et des Etats membres. L'approche de l'UNICE repose surtout sur l'échange d' informations avec les fédérations des différents secteurs industriels. L'interlocuteur principal au sein de l'UE est la Commission, notamment le Conseil d'Administration de la Commission du droit des brevets. Etant donné que la procédure de co-décision n'est pas applicable en matière de brevets, l'UNICE a - en concertation avec les industries concernées - émis des propositions auprès de la Commission (lien vers entretien Konteas).
Les différents acteurs savent que l'instance décisive est le Conseil des ministres. Pour s'assurer que leurs propositions sont également prises en compte à ce niveau-là, les acteurs européens se sont servis des réseaux nationaux. L'EFPIA est constituée de fédérations nationales et d'entreprises de taille importante qui disposent de contacts avec les pouvoirs politiques et les administrations nationales (lien vers entretien Campolini) - il en va de même pour l'UNICE qui regroupe les organisations patronales de chaque Etat membre.
Pour les groupes n'ayant pas d'accès privilégié à ces réseaux, il y a également la possibilité de recourir aux services d'un cabinet de consulting, soit pour essayer d'influencer le processus de décision, soit pour être tenu au courant des progrès en la matière. Dans cette optique, les lobbyistes professionnels soulignent l'ouverture des institutions européennes : en général, il est relativement facile de faire entendre les avis des acteurs concernés (lien vers entretien Vanovertveld)
Finalement, le Conseil des ministres a adopté lors de son sommet d'Athènes un compromis proposé par la présidence grecque : en 2010 une cour européenne des brevets sera mise en place à Luxembourg, qui tranchera désormais toutes les litiges en la matière. Jusqu'à cette date, les tribunaux nationaux restent compétents. De plus, les brevets peuvent désormais être rédigés en une seule langue (Français, Anglais ou Allemand) à l'exception des trois premières pages, qui doivent être traduites dans toutes les langues officielles de l'UE.


2. La réforme de la législation pharmaceutique

A l'enjeu de l'unification du brevet s'ajoute un deuxième dossier d'importance. Le 18 juillet 2001, la Commission a proposé une réforme complète de la législation pharmaceutique de l'UE. Cette initiative était prévue lors de la création de l'Agence Européenne de l'Evaluation des Médicaments (EMEA) en 1993 (règlement 2309/936; Directive 93/41/CEE). Dès les années 60 après le " désastre de la thalidomide ", et sous l'impulsion des organisations de patients et de consommateurs comme le BEUC (Bureau Européen des Unions de Consommateurs) (lien vers entretien Craenen) les médicaments sont soumis à un examen rigoureux. Pour être mis sur le marché, un médicament a besoin d'une autorisation délivrée suite à une étude approfondie des effets du médicament.
Avec la création de l'EMEA, l'industrie dispose de deux procédures d'autorisation possibles. D'un côté la procédure centrale (faite par l'EMEA, valide pour tous les pays) et la " procédure de reconnaissance mutuelle " (l'instance nationale autorise le médicament, les autres pays reprennent cette autorisation sur demande). Cette dernière est favorisée par les petites et moyennes entreprises qui ne sont pas présentes sur la totalité du marché européen. Mais cette démarche a le désavantage d'être lente. De plus l'autorisation d'un pays n'est pas toujours reprise : il existe entre les Etats membres de fortes différences dans la perception de certaines maladies et de leur traitement. Par contre, la procédure centrale est considérée comme un succès, mais risque de devenir également trop lente avec l'élargissement de l'UE (et l'élargissement proportionnel de ses organes de décision). Dans le souci de soutenir la compétitivité du secteur il se pose aussi la question de la durée de la protection des informations sur les médicaments (et en corollaire à partir de quand des génériques de ces médicaments peuvent être produits).
A cet enjeu économique s'ajoute la volonté d'améliorer " la protection générale de la santé des citoyens européens " (Erkki Liikkanen, 18.7.2001). Plus précisément, la Commission a proposé que les patients aient accès à une base de données comprenant des informations sur tous les effets secondaires des médicaments. De plus, les patients souffrants de maladies comme le VIH, le diabète et l'asthme peuvent être directement informés par l'industrie pendant une période de test de 5 ans.
L'envergure du propos de la Commission a suscité un lobbying intense des différents groupes jusqu'à ce jour. L'industrie s'est surtout exprimée par la voie de ses organisations européennes (d'après les parties prenantes il n'y a pas d'entreprise qui ait agi seule). De façon générale, on peut discerner deux camps : l'EFPIA et l'EGA. Le premier regroupe les entreprises qui investissent dans la recherche (comme par exemple la Bayer Healthcare (lien vers entretien Stöckert)) et qui essayent d'obtenir une période de protection la plus longue possible. Pour ce faire, l'organisation a créé une " Priority Action Team " composée de 25 experts issus des différentes entreprises dont une moitié de pharmacologues. Ce comité poursuit deux stratégies : d'un côté il s'adresse à la Commission lors des consultations, essentiellement sous forme écrite. En parallèle, il mène des discussions " de fond " avec les instances d'autorisation nationales et l'EMEA. L'idée est que les ministres prenant part au Conseil sur la santé, Conseil qui va finalement décider sur le sujet, fonderont leur décision sur l'avis de " leurs " instances nationales. De plus, les fédérations nationales faisant partie de l'EFPIA font du lobbying auprès des parlementaires européens. Pour l'EGA la démarche est largement identique, avec bien sûr des objectifs différents, visant à une durée de protection des informations sur les médicaments moins longue.
Avec la publication de la proposition par la Commission, la réforme est entrée dans le processus de décision. Vu l'ampleur des changements envisagés, le comité de la santé du parlement européen a désigné deux rapporteurs pour le dossier, puisqu'il fallait modifier deux règlements et une directive. Même si chaque grande groupe politique (PSE et PPE) a pu nommer un rapporteur (Mme Grossetête et Mme Müller), il y avait en plus un certain nombre de rapporteurs fictifs des autres groupes, qui travaillaient également sur le sujet. L'élaboration de la proposition qui a été votée début octobre 2002 au Parlement a pris un an. Pendant ce temps, les deux rapporteurs, s'appuyant sur les recherches faites par leurs assistants (lien vers entretien Klein) ont essayé de prendre en compte les avis des différents acteurs. Un travail qui est souvent rendu plus difficile par des obstacles linguistiques, ce qui mène à une certaine prépondérance des organisations ayant la même " nationalité " que le rapporteur. Quand même, tous les acteurs ont pu s'adresser au Parlement : soit par des interventions écrites au rapporteur, aux membres du comité de la santé, voire à tous les députés, soit par le biais de cabinets de conseils ou de conférences spécifiques.

 

 

 

 

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